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video : L'humilité dans la voie

L’humilité : une attitude de vie des pratiquants bouddhistes zen

Qu’entend-on par humilité ?
Le mot humilité veut dire trois choses : a) Une disposition à s'abaisser volontairement (à faire telle ou telle chose) en réprimant tout mouvement d'orgueil par sentiment de sa propre faiblesse. b) Une grande déférence (à l'égard de quelqu'un ou de valeurs). c) Le caractère de ce qui a peu d'importance, peu d'envergure, peu d'éclat.

L’humilité caractérise bien le destin d’un bouddhiste pratiquant. Quand il tend à renoncer à un foyer, aux biens matériels, et à la notoriété, il choisit délibérément de mener une vie « de peu d'importance, peu d'envergure, peu d'éclat. »

Le destin du bouddhiste pratiquant est comparable à celui de ces minuscules plantes qui poussent dans les craquelures ou sur les rugosités des roches. Elles y meurent très vite mais de génération en génération on verra se constituer peu à peu une bonne terre riche. Finalement la vie prospérera dessus. C’est « l’humus » – un compost de végétaux décomposés sans lequel la chaîne des espèces vivantes ne pourrait survivre. La mort est recyclée en vie !

De la même façon l’homme est, de par sa nature, un « humus spirituel » en perpétuelle transformation. Il est dit dans un sutra du canon bouddhiste que « la vie d’un homme ne dure que le temps d’une pensée qui naît, vit et meurt dans le même temps. » Autrement dit, nous recyclons chaque moment de vie éphémère en un moment de vie éphémère suivant.

Ce recyclage s’effectue sans fin dans la « vacuité » de l’harmonie de la vie universelle – qui est « l’humus » absolu, infini et éternel où les causes et conditions se combinent sans fin, sans limite dans l’espace et le temps.

La transmission de la vérité religieuse (le Dharma) est aussi ce processus d’éternel « humus ». Le mot « humilité » vient de ce mot latin « humus » qui signifie « terre fertile ». L’humilité est le terreau fertile de l’attitude religieuse. Pourquoi ?

Quand on observe l’histoire du bouddhisme, on voit que c’est cette transmission de la Réalité des éveillés par des inconnus qui a fait le terreau où a fleuri et prospéré le Lotus de la parole de sagesse du Bouddha.

On connaît, bien sûr, les grands maîtres célèbres de toutes les traditions qui ont prêché avec succès les textes des enseignements révélateurs. Mais qui donc se souvient des milliers et milliers de pratiquants anonymes qui se sont succédés sans renom mais dans la fidélité de bons disciples depuis le père fondateur le Bouddha Shakyamuni ? Eux, ils ont enseigné en protégeant et transmettant en toute simplicité la pratique des vertus et des règles de vie des bodhisattva. Ils les ont enseignées sans faillir et leur trace s’est estompée au fil de l’essor de la religion qui a été transmise jusqu’à nous. En bref : « L’humilité est l’état d’esprit de celui qui se met lui-même à la disposition des autres pour que ceux-ci tirent de sa vie modeste et exemplaire de quoi nourrir leur croissance spirituelle.»

Dans les pays asiatiques d’où le bouddhisme zen est originaire, il y a une très très longue tradition de l’humilité dans son expression « de grande déférence à l’égard des valeurs qui nous dépassent et de ceux qui en sont porteurs. »

Dans les monastères du bouddhisme de la tradition du Zen Sôtô au Japon, on fait l’apprentissage de cette humilité-là, dès le premier jour. Il y est enseigné de dire en cas d’erreur ou de faute cette phrase inhabituelle : « J’ai été irrespectueux. » [jap. : shitsurei itashimashita]. Grâce à cet exercice, on passe d’un coup d’une considération égotique étroite dans la relation à autrui, à la prise de conscience de son propre manquement à la Règle, de son manquement à sa propre Réalité d’un éveillé [skrt. : Dharma].

Dans l’énoncé de cette phrase, on prend conscience que la faute est due à ce que l’on s’est laissé entraîner un court instant, par son penchant à croire en la substantialité de son « moi » ; et à donner libre cours à ses préférences personnelles. Et la faute a eu lieu en conséquence, immanquablement. C’est ainsi que dans un monastère, dès qu’un moine – novice ou ancien - a commis dans sa fonction une faute qui a perturbé la vie de la communauté, il va en toute humilité faire la tournée des chambres des maîtres en grande tenue, avec de l’encens. Dans chaque chambre il fait brûler un bâton d’encens, il fait trois prosternations et dit solennellement cette phrase : « J’ai été irrespectueux ! » C’est comme cela que les moines deviennent capables d’enseigner à leur tour la Réalité d’un éveillé avec l’esprit totalement libéré.

L’apprentissage de la vie monastique fait faire un grand progrès dans l’oubli de ses propres certitudes quant à l’idée qu’on se fait de soi. Au début, c’était très dur pour l’ego de dire cette phrase « J’ai été irrespectueux » quand on est plus âgé que son interlocuteur, socialement ou hiérarchiquement plus élevé que lui, ou dans une société habituée aux discriminations. Mais c’est salutaire. Et pourquoi ?

Parce que celui qui est déterminé à plonger sa propre vie dans la recherche de la vérité absolue doit abandonner toute certitude sur ce qu’il pense de lui-même. Cet exercice d’humilité est très dur pour l’autocomplaisance ! Et c’est là que commence la pratique du Zen.

Quelques-uns, rares, sont humbles par prédisposition naturelle, – les heureux ! Certains autres prennent leur timidité pour de l’humilité. Mais la plupart d’entre nous devons faire de gros efforts contre l’autosatisfaction, l’orgueil et l’arrogance. Ce ne sont pas l’orgueil, l’arrogance etc., qui sont des obstacles à l’humilité. Au contraire, c’est la pratique de l’humilité qui est l’antitode à l’orgueil, l’arrogance, l’égoïsme, l’égocentrisme. Une Règle monastique est ce qu’il y a de plus efficace pour apprendre l’humilité. Celle-ci permet de subjuguer ces tournures d’esprit obstructives. Quand on est tenu par la pratique quotidienne d’un monastère et soutenu par une communauté, l’esprit ne peut pas s’échapper dans des considérations personnelles et ses illusions de soi.

C’est effectivement notre prise de conscience de notre interdépendance avec tous les êtres qui nous fait progresser sur la Voie. Chaque fois que nous avons l’humilité de prendre modèle sur les qualités d’autrui pour corriger nos défauts nous recyclons nos propres caractéristiques dans l’harmonique de la vie universelle. Et ce nouvel humus renforce notre détermination à donner libre cours à notre aspiration à la réalisation d’un éveillé.

La tradition d’humilité dans le Zen, Maître Dogen l’a formulée ainsi dans le Genjokoan : « Faire l'apprentissage de l'accomplissement spirituel d'un bouddha se fait par l'apprentissage de soi-même. « Faire l'apprentissage de soi-même se fait dans l'oubli de soi-même. « Par l'oubli de soi-même on est attesté par les myriades de choses existantes. « On est attesté par les myriades de choses existantes parce qu’on s'est dépouillé entièrement de l'idée d'un corps-esprit de soi-même et d'un corps-esprit pour ce qui n’est pas soi-même. « C'est un état où toute trace même d'appréhension de la vérité est évanouie, et qui surpasse de loin cette appréhension de la vérité dont la trace s'est évanouie. » (Maître-zen Dôgen : Shôbôgenzô Genjôkôan)

Voici comment les poèmes de maître Ryôkan évoquent l'humilité de sa vie de bouddhiste :

Comme l’eau limpide
Qui se glisse dans la mousse des rochers
A l’abri des montagnes
J’ai passé ici toute ma vie
Tranquillement dans l’ombre.

(Maître zen Ryokan)

A la prospérité d’un roi
Mon cœur a renoncé
Et fidèle à la trace des bouddhas anciens
J’avance de maison en maison
Quêtant ma nourriture.

(Maître zen Ryokan)

Puisque ma personne
Telle le nuage flottant
N’a rien à attendre
Il apparaît que je doive
Au gré du vent m’en remettre.

(Maître zen Ryokan)

Au monde corrompu
Elle ne dit pas :
« Va te purifier ! »
Elle-même, telle quelle,
Offre aux regards
Sa limpidité
L’eau du torrent

(Maître zen Ryokan)

 

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